-
Numéro 1 : Printemps 2004 (épuisé)
Anne-Marie Beeckman ~ Les Éléments de l’enquête ; Jean-Yves Bériou ~ Pour Antoine Soriano ; Abdul Kader El Janabi ~ Gommage ; Jean- Raphaël Prieto ~ Monnaie de singe, et Collage ; Antoine Soriano ~ Dévots ; Jean-Pierre Paraggio ~ Dessin ; Jean Ferry ~ Mon aquarium ; Yves Nadal ~ Oui, j’y pense ; Miguel Suarez ~ Carnets de printemps (extraits) ; Pierre Rojanski ~ Collages, avec des textes de Manuel Anceau ; Pierre Dragomis ~ La Musique des rébètes ; vignettes de Folk Dahlberg.
Anne-Marie Beeckman ~
Les Éléments de l’enquête
Elle secoue les arbres,
ses cheveux, des planètes.
Elle presse le pas, ses
seins, contre la vitre.
A onze heures, on a vu sa
main sur l’encolure. Dix
témoins cherchent l’animal.
Elle a bu à longs traits.
Vous l’imaginez nue.
Elle serre son poing, un
mouchoir sur sa bouche, une
pierre.
Vous la livrez au mur.
Sur son cri on compte
les heures (la mort
remonte).
Vous nous expliquerez la
marque humide de ses dents.
Supplément :
Hommage à Peter Wood. Oscar Borillo, Guy Flandre, Claudette Lucand, « Août 1988, dîner chinois » ; Abdul Kader El Janabi ~ Collages ; Marie-Dominique Massoni ~ Bonne traversée ;
Cinq collages de Peter Wood.
-
Numéro 2 : Été 2004 (épuisé)
Anne-Marie Beeckman ~ Je ne me refuse rien (extraits) ; Jean-Yves Bériou ~ Les Drapeaux, les couteaux (I) et (II) ; Louis-François Delisse ~ 15 couplets de la voie jaune ; Jean-Pierre Paraggio ~ Les Nocturnes, dessin (extrait) ; Antoine Soriano ~ Trois poèmes ; Jean-Raphaël Prieto ~ Connivence ; Lionel Fondecave ~ Dehli (Photo) ; Esther Moïsa ~ Dessins ; Georges Lem ~ Objets ; Georges-Henri Morin ~ Les Naufrageurs, dessin (extrait) ; Hervé Simon ~ Les Yeux des cartes, dessin (extrait) ; Bertrand Schmitt ~ Presque terre (extrait) ; Jean-Yves Bériou ~ Collection Desmos/Cahiers grecs ; Youri Zvetaev ~ Chemin (Huile sur bois) ; Abdul Kader El Janabi ~ Premières lignes de son autobiographie « Horizon vertical ».
Supplément :
Alexandre Pierrepont « Le Champ jazzistique » : Alexandre Pierrepont (extraits), François-René Simon (Présentation) ; Jean-Pierre Grélat (Illustrations), Ildefonso Rodríguez (Peter Kowald), ; Pierre Peuchmaurd (The Shape to come), et David Keenan (Specific Gravity).
- Numéro 3 : Automne 2004 (épuisé)
Anne-Marie Beeckman ~ Les Dix ; Youri Zvetaev ~ Jeux (Huile sur bois) ; Joseph Cicero ~ Sept poèmes extraits de « Voies secrètes » ; André Bernard ~ Trois collages ; Louis-François Delisse ~ Copla ; Jean-Yves Bériou ~ Le « Sean-os » : Le chant profond de l’ouest ; Claude-Lucien Cauët ~ extraits de « Débordement », « Présent » & « Anecdotes » ; Sayd Mahodine Majrouh ~ Le Voyageur de minuit (extrait) ; Jean-Yves Bériou ~ Ni dieu ni maître ; Jean-Pierre Paraggio ~ Dessin ; Esther Moïsa ~ Une Baleine dans la bonbonnière.
Supplément :
Anne Marbrun, à la grâce du diable (présenté par Pierre Peuchmaurd).
-
Numéro 4 : Décembre 2004 (épuisé)
Dominique Paul ~ Plumes fauves ; Christine Bruces & Bruno Montpied ~ De la traduction subjective ; Antoine Peuchmaurd ~ Deux photos (New York) ; Agnès Duits ~ J’ai voulu dire la mort ; Laurent Albarracin ~ Cette fleur la fleur ; François-René Simon ~ Deux poèmes (1968) ; Jean-Pierre Jackson ~ Mikio Naruse ; Salwa Al Neimi ~ Mes ancêtres les assassins ; Kateřina Kubíková ~ Collages-dessins ; Giovanni Papini ~ Le Miroir qui fuit ; Pierre Nicollin ~ Chimère ; Philipp West ~ Dessin ; Esther Moïsa ~ Floribunda ; Anne-Marie Beeckman ~ La Laponie est annuellement visitée par les oiseaux ; Toyen & Jendrich Heisler ~ Les Spectres du désert (extraits) ; Louis-François Delisse ~ Au bois Capelle ; Jean-Pierre Paraggio ~ Dessin ; Jenny Mastoràki ~ Jean-Raphaël Prieto – Aggripa D’Aubigné.
Supplément :
Pierre Peuchmaurd ~ La Buse Ophélie
Sans titre
Cinquante-trois petits squelettes – cinquante-trois,
tu les as comptés – sur ton dessus de cheminée.
La lumière s’est éteinte, ils clignotent, ils t’appellent.
Quand revient le printemps, tu prends pour un duvet
la poussière qui les vêt.
Chemins de ronde, espaliers du ciel bleu, alluvions,
strates et sarcophages.
Pour cinquante-trois squelettes, pour leurs niches
dans le vent.
P.P.
-
Numéro 5 : Été 2005 (épuisé)
Philip Kuznicki ~ Collages ; Pierre Peuchmaurd ~ Les Belles jambes ; Jacques Bureau ~ Le Clou ; Claude-Lucien Cauët ~ Extraits de « Présents », « Débordements » et « Anecdotes » ; Robert Benayoun ~ Photo-montage-inversage ; Abdul Kader El Janabi ~ Deux collages ; Jorge Camacho ~ Cheval à platine et Spectreuse terrée ; François-René Simon ~ Lettres ; Lhassa ~ Collage ; Stéphane Maignan ~ Le Balcon sacrilège (extrait) ; Jean-Pierre Paraggio ~ Dessin ; Eric Ferrari ~ Pourtant pas ; Bill Howe ~ Dessins ; Roberto San Geroteo ~ Le Feu fait son travail ; Guy Cabanel ~ Les Rouages du temps ; Georges-Henri Morin ~ Orbis terrarum (dessin) ; Anne Marbrun ~ À port perdu ; Laurent Albarracin ~ Le Verre de l’eau ; Anne-Marie Beeckman ~ Agence pour la création de territoires inexplorés ; Inconnus.
Supplément :
14 Nouvelles Notes d’hôtel ~ Louis-François Delisse
TRÈS HAUT LA COMÈTE, sur le ciel incandescent piqué d’étoiles.
Étrange, d’une obscure lumière comme issue d’un trou noir ouvert
sur une autre voûte céleste, derrière. Et d’autant plus obsédante.
Et tandis que nous nous aimions, et la dune en tremblait,
– la Comète telle la mémoire, semblait avancer en reculant,
poussant devant elle sa queue comme un souffle projette des embruns,
ou s’avance le pinceau tremblant d’un peintre. Chaque nuit tout un mois
angoisse et joie, elle continua en s’abîmant de s’embraser, en s’élevant
sur le ciel du Damagaram, d’encore plus étinceler et, à reculons sa traîne,
de n’en parapher que plus ardemment le souvenir.
N°5 bis, été 2005 :
Dossier poésie en Espagne. Jean-Yves Bériou ~ Le Langage et son double. ~ Juan Larrea, du domaine obscur à la version céleste. ~ Un Lecteur français. ~ Le Vertige des images, les images du vertige. Ildefonso Rodríguez ~ La Voie abondante et purgative ; Miguel Suarez ~ Les Familiers endormis ; Antonio Gamoneda ~ Extraits du « Cahier de mars » ; Anne-Marie Beeckman ~ « Antonio Gamoneda, l’ivre du froid » ; Ildefonso Rodriguez ~ Temps perdurable ; Juan Larrea ~ État d’ombre et Déluge ; Hannah Hoch ~ Deux collages.
Les familiers endormis
Dans la pénombre de l’hiver dorment ces hommes.
Ils sont de ma caste. De l’eau entre des gorges.
d’une chambre à l’autre, s’épaississent les ombres,
brille une tempe d’argent,
dans la sueur des trois paissent des boeufs
et repousse la mousse.
Sans défense est leur respiration comme une plainte du temps.
Recroquevillés ils préparent la ligne de fond d’un autre temps.
Expulsé du rêve,
silencieux comme un lisse crépuscule de galets,
je laisse les portes entr’ouvertes,
je remue la marmite
et me souviens :
Miguel Suares – Traduit par Roberto San Geroteo, revue FLACHE , n°4, Décembre 1988.
*
Arsenic
Vierge, il flambe sous la couleur de l’iris ; comme la neige,
sans poids, sans saveur, sa puissance est invisible.
Il descend aux entrailles sans amertume et les yeux
s’immobilisent dans l’éternité.
Faucheux
Que l’on pose la tarentule sur la femme qui dort et fatal est
son repos, mais ses soeurs apportent des flûtes et la musique
extirpe la noire lymphe des veines. La dormeuse pressent
des causes invisibles et, plus tard, un grand oubli, mais se réveille
enfin sous les yeux de ses soeurs.
Antonio Gamoneda ~ extraits du Cahier de Mars
traduit par J.-Y. B. et Martine Joulia – MYRDDIN, 1997
Supplément n°5 bis :
Juan Larrea ~ Fragments (traduits par Christine Monot) et Extraits (écrits en français)
SANS LIMITES
Mes pieds sont au dehors de la nuit
comme l’os est au dehors de la moelle
infatigables on trouve partout
les égards que l’erreur porte aux merveilles
La limite des sacrifices a été atteinte
le front endigue l’automne un piège inépuisable
résorbe les chemins où l’ombre raréfie
de plus en plus ses caresses
on ardoise l’embarras on muselle le vide
sans rien laisser à l’oubli la flamme couve ses hasards
la pluie reste à la porte rejetée par les siens
On ne peut plus s’égarer l’impossible
devient tout doucement inévitable
Juan Larrea (Versión Celeste)
-
Numéro 6 : Hiver 2005.
Anne-Marie Beeckman ~ La Cueillette des mûres en Pamukalie ; Olivier Chevillard ~ Notice ; Anne Marbrun ~ Pylône ; Luc Richer ~ Papa danse sur l’autorail ; Ildefonso Rodríguez ~ La Chanson des mies de pain ; Jean- Yves Bériou ~ Jacobo Fijman : Suite d’estampes ; Joël Gayraud ~ Ocelles ; Louis-François Delisse ~ Le Voyage dans la lagune ; Jean-Raphaël Prieto ~ Tentative n°1 ; Éric Ferrari ~ Un Certain état des forces ; Pierre Peuchmaurd ~ La Fin de la fin ; Maurice Blanchard, Antonio Gamoneda, Jan Zabrana, Vladimir Holan ; Herberto Helder, URDLA Ça presse, Jean- Pierre Paraggio, Anonyme.
Images : Anonymes ~ Georges Lem ~ Ion Severin ~ Rethel.
Supplément n°6 :
Jacobo Fijman ~ Suite d’estampes (traduction : Martine Joulia & Jean-Yves Bériou).
II
À travers la forte houle on entendait le cri des ports et des villes et le froid des cloches.
Les cieux agitent le pont des jours.
Le froid s’engloutit dans les branches.
Nous recueillons l’ombre qui s’abat des oiseaux.
Tu es parti.
J’énumère les aubes sous l’écume bleue de la nuit.
Des yeux d’agneaux défigurés reflètent les rondes des étoiles et des vieux moulins.
XI
Au pied des arômes blancs je retrouve mes mains en train de prier.
Il était une fois…
Avec dégoût, les canaux se mettent en marche loin de notre regard.
Pour eux-mêmes les soleils tracent l’effroi.
J’appuie le visage sur l’ombre sept fois obscure
Et traverse les digues serrées qui entraînent les vents.
Mon accent de mer roulait, déchiré, sur sept chemins de neige.
Images : Anonymes ~ Marcel Lecourt ~ Georges Lem ~ Michal Resl ~ Claude Brabant ~ Swen Westerberg ~ Jean-Pierre Paraggio ~ Arturo Cruzeiro Seixas ~ Bernard Sanschagrin ~ Jean-Pierre Sudre.
- Numéro 7 : Été 2006.
António Maria Lisboa
Les cinq lettres de verre
C’est un stylet de lumière
l’immensité de laquelle tu es faite
et contourne un rêve ― bleu ― neige
pareil aux cheveux que j’ai découverts en sortant de ta bouche semblable
― de tes yeux d’imagination
― de tes lèvres courbes d’aurore.
Nous sortîmes
lorsque les gens regardaient étonnés l’Arc de Triomphe
en laissant glisser des poches rubans et serpentins
pour que tout que se passe comme pour l’oiseau
pour laisser objectivement écrit
sur les marges du Fleuve
de la Mer
― le continent-esprit submergé
― le navire de tous les amants
par lequel roule le carrosse dans lequel nous voyageons, peint de Liberté et de Poésie
avec toi dormant sur mon cœur.
ALORS J’AI SENTI FACILE LE SUICIDE
S’est fixé sur le mur de ta résidence
sur la porte qui s’ouvre au visiteur
un symbole magique et de cabale
― l’éventualité de mon retour
― l’histoire merveilleuse que je te dirai durant le voyage
J’ai cherché
dans les feuilles éparpillées partout sur notre lit
le souvenir de ce qui doit advenir
― seulement dans l’épars
― dans le divers
― dans l’acte simultané de défense
― dans le voyage de l’aérostat inconnu dans la / distance
― dans la nuit magique
DANS LA PREMIERE GRANDE NUIT MAGIQUE QUE NOUS AVONS EUE
S’est ouverte la fenêtre qui marchait seule
et sortit un rêve simple d’enfant :
LE MÉTÉORE DE LA TRANSFORMATION
posé dans un coin mon jeu de Cabale
(un monticule de carrés,
de cercles de triangles
disposés géométriquement
sur un grand plateau)
mon traité de Magie Humaine
(un chemin d’ogives, une
horloge donnant l’heure sur
un tombeau dressé, les piliers
magnétiques, les cordons de l’angoisse)
JE PARLE ― dans l’élaboration magique lorsque survient
l’apparition Phallus
spontanée de Lautréamont et Freud qui portaient
sur les sourcils une coupe fine qui
les traversait de part en part : ―
Lorsque apparaît la femme scandaleusement
vêtue de rouge
il s’adresse à la jeune fille
et les autres se promènent sur les roches
où demeure occulte le corps de l’homme qui arrive
continuellement
ET JE CHANGE POINT L’HORIZON MUET
(1967)
(Extraits de A PHALA et traduits du portugais par Frédérique Flamerie de Lachapelle et Emmanuel Loureiro)
Couverture ~ Claude Brabant ~ Art funéraire au Père Lachaise (Photos) ; Augustin-Victor Casasola ~ Exécution de Fortimo Samano (Photo) ; Georges-Henri Morin ~ Dédale dessine (Dessins) ; Maurice Blanchard ~ D’une tristesse ineffable ; Jules Barbey d’Aurevilly ~ Les Yeux caméléons ; Max Bucaille ~ Duke Ellington (collage) ; William Kantridge ~ Kaiserring (Composition) ; Jacques Bureau ~ Extrait de “Duke Ellington” ; Michel Dubret ~ À la nuit séparée ; Alejandra Pizarnik ~ En l’honneur d’une perdue ; Abdul Kader El Janabi ~ Collage ; Mariano Auladen ~ Le Barbelé de mes veines s’oxyde ; Bruno Montpied ~ Un Rugby aux règles étranges et Le Calculateur et le cramoisi ; Louis-François Delisse ~ Un matin ; Jean-Raphaël Prieto ~ Palinodie ; Pedro Luis Cano ~ L’Ombre prêtée ; Esther Moïsa ~ Vermineux le maléfique ; Joseph Cicero ~ Point du jour et Brumes de notre jeunesse ; Georges-Henri Morin ~ D’un hallier et de quelques autres ; Odilon Redon ~ Eye ballon (Gravure) ; Laurent Albarracin ~ Voir la bouche ; Max Neumann ~ Peinture sans titre ; Alain Joubert ~ L’Art et la manière ; Pierre-Jean Varet ~ Maux de tête (Collage).
- Numéro 8, hiver 2006.
Guy Cabanel
Le Mur de nuit
Un cri sous terre joue, dans la flaque
stagne, entre les pierres glacées, chair de
lune, suinte,
Entraîne mes troupes nostalgiques, de
féroces larmes consumées, enlaçant
d’exsangues spires les piliers
qui sentent la mer.
Mon chant n’est pas vain, je vois le cœur
de la dame croître comme l’ombre dans le
soleil, s’étirer sur les landes,
Battement sourd comme une vision
rouge, au-delà de la falaise emporté, soleil
qui sombre dans la lande soulevée.
Mais d’horribles hordes sont passées et
d’un coup, viole de désespoir, voici la
solitude jetée sur mes épaules.
En ce rien de lumière, l’aile du corbeau
qui émerge des tourbières, ennoblie
d’une flèche d’or,
Saignant du fond de sa noirceur, de feu
visqueux sculpte une errance ineffable.
Mais le feu même s’imprègne des
terreurs de la nuit mère qui gît au milieu
de l’œil du soleil.
Mais le soleil a répandu l’idée de sa
couleur dans la trame même des molles
ténèbres.
Et tournant autour des pierres sans
poids du mur qui tourne, dérivant sur ces
rives de hasard, je laisse aller le fil des rêves.
Un galop sonne, barbares qui déboulent,
marteaux de secrètes forges,
au loin le bourdon, peut-être
Simple demoiselle sur la tempe, alors
donnez-moi vos quatre ailes et passons par-
dessus le toit cueillir du lilas
Et sans doute une main caressante et
ténue qui sur mon front glissant plissera le
chemin sinueux de l’eau.
Ni voix du vent ni cri de la mer,
grondement imaginé d’obscurs lions sous le
vieux soleil figés,
Étoile éteinte par l’humide nuit sur le
bord de cette roue de fortune ténébreuse,
doigt de suie léché d’une mauve.
Encore si quelque rond miroir jouait
entre mes yeux ou si la brillante fibre d’une
flûte traversait l’air enjambé !
Pas de lignes, pas d’arêtes sinueuses, au
regard nulle fin mais quelque part demeure
une faim, insatiable.
Crachant son verbe encore chuintant,
nage une langue dans un bloc de nuit et les
visions de gris pâle s’éclairent.
L’aube argente vos seuils solennels,
bouches de pierre, et votre voix déjà se
jette dans le vent qui tourne.
Extrait de « Stonehenge » in Les Sites du serpent.
- Numéro 9, été 2007.
- Numéro 10, hiver 2007.
Jean Durançon ~ Un écrivain du crépuscule : David Goodis ; Pierre Peuchmaurd ~ L’Averse du soir (extrait) ; Louis-François Delisse parle d’Afrique au Ciné-club de Lille, deuxième partie ; Jean-François Rousseau ~ Lents liens (extrait) ; Aogán Ó Rathaille ~ Clarté de toute clarté ; Jean-Yves Bériou ~ La Théorie de l’amour, et trois autres poèmes ; Alain Joubert ~ Grains de sel ; Stanislas Rodanski ~ Notes sur le portrait-rébus de Gérard de Nerval & [Le Mat] ; Antonio José Forte ~ Déclaration ; Marie-Dominique Massoni ~ A.J.Forte ; Ildefonso Rodríguez ~ Le Jazz dans la bouche (extraits traduits par Martine Joulia & J.-Y. Bériou) ; Georges Lem (extrait) ; Roberto San Geroteo ~ [Qui n’a cru croiser un soir la liberté] et autres poèmes ; Joël Gayraud ~ Ralentir image ; Olivier Hervy ~ Notice ; Laurent Albarracin ~ Du Papillon ; Michel Dubret ~ Les Dépendances de la tristesse ; Stéphane Maignan (extrait) ; Esther Moïsa ~ Mille hivers la dérive (extraits) ; Georges Goldfayn ~ Rien ne va plus ; Olivier Hobé ~ [Je m’inquiète…] ; Dušan Matić ~ extrait de Notes 1944 ; Louis-François Delisse ~ Une sublime habitude ; Novalis ; Georges-Henri Morin ~ Les Dits de Tiepolo ; Alice Massénat ~ [Dans un monde qui s’étouffe de rage] ; Guy Cabanel ~ Les Surprises du paradis.
Les images en désordre [encres, graphites, peintures, photos, collages : Ody Saban ; Goya ; Guylaine ; Nicole Espagnol ; Philippe Lemaire ; Georges Lem ; Bernard Sanschagrin ; Jacques Desbiens ; Tamara Berg ; Ghislain Mirkos ; Jean-Pierre Paraggio ; Michel Dubret ; Anonyme ; Romuald Roudier.
Stanislas Rodanski
(Deux inédits confiés par François-René Simon.)
1/
Note sur le portrait-rébus de Gérard de Nerval
2/
[Le Mat] *
* Titre fictif
Couverture : Emmanuel Boussuge, L’échappée belle (2009).
- Numéro 11, décembre 2008Florian Tomasini ~ Trois poèmes ; Bernard Sanschagrin ~ Graphite ; Pierre Peuchmaurd ~ À aucun titre ; Jean-Yves Bériou ~ Beàltaine ; Martine Joulia ; Alain Joubert ~ Pour venir au monde, il tua sa mère ; Pierre de Ronsard ~ Gaillardise ; Jacques Desbiens ~ Carnet de moleskine ; Anonymes ~ Gravure ; Emmanuel Boussuge ~ Museum des poussières (Photographies), & dessin ; Charley Patton & Franck Fiat ; Louis-François Delisse ~ Coplas de la Niña de los Peines, Poèmes épistolaires, Manuscrits africains ; Jan Gabriel ~ Photocollage ; Laurent Albarracin ~ Quatre sonnets ; Anne Marbrun ~ Ma souris verte ; Alice Massénat ~ Deux poèmes ; Olivier Hervy ~ Notice (suite) ; Roberto San Geroteo ~ Trois poèmes ; Jean-Pierre Paraggio ~ Collages & dessins ; Joël Gayraud ~ Dithyrambe végétal ; Philippe Lemaire ~ Trois collages ; Georges-Henri Morin ~ Les Dessous de la mine & Passage des témoins ; Jean Durançon ~ En pensant à Jean Eustache ; André Bernard ~ Attente du bal paré ; etc.
- DITHYRAMBE VÉGÉTAL
Il me plaît de retrouver des qualités humaines dans les formes de vie les plus étrangères à l’homme et des qualités animales dans le minéral, le végétal ou l’humain. Dans le vaste domaine des sonorités, s’il paraît aller de soi que le bruit appartient au règne minéral et que la mélodie est plutôt création animale ou humaine, il n’échappe cependant pas au poète que « dans le ruisseau il y a une chanson qui coule », pour reprendre la belle image de Pierre Reverdy. Le végétal, dans la mesure où il ne se meut pas, semble appartenir au royaume du silence, ou tout au plus, sous l’action du vent, émettre un murmure de feuilles, ces «confuses paroles» qui émanaient des fûtaies de Dodone. Un jour, me promenant dans l’île d’Icaria sur un sentier tout stridulant de cigales, j’entendis se détacher nettement sur le fond de ce concert une tendre mélopée, une sorte de plainte mélodieuse et tremblée, qui n’en finissait pas. Le vent qui soufflait assez fort s’étant calmé un instant, le chant s’évanouit, puis reprit ses modulations à la première brise. Levant les yeux, je vis alors le plus original instrument de musique que les hasards de la nature puissent inventer : deux arbres, deux pins, avaient poussé côte à côte et lançaient fièrement leurs fûts à la même hauteur ; l’un avait enfoncé un moignon de branche dans le tronc de l’autre, qui s’était évidé en cet endroit même pour accueillir ce qui à l’évidence n’était autre que le membre de son compagnon; deux arbres sexués comme des mammifères terrestres copulant en une fervente impudicité. Le musicien était le vent, qui, en remuant légèrement le couple de conifères, assurait le frottement réciproque et doux des organes mâle et femelle, faisant alors s’élever dans l’air vibrant de l’été le très rare et très inattendu chant d’amour du règne végétal.
Joël Gayraud
3 ~ Centiloque de l’hétéronome. Entre 2000 et 2007, sont parus à Barcelone quatre recueils d’aphorismes sans nom d’auteur, intitulés Primer Centíloquio del heterónomo, Segundo…, Tercero… et Cuarto… Cette édition hors commerce, à l’enseigne de Taífa Llibres, était distribuée dans la librairie du même nom, dans la rue Verdi du quartier de Gracia. Martine Joulia a choisi et traduit une centaine de ces aphorismes pour le cinquième numéro des Cuadernos del Umbo, hors commerce également.
4 ~ Le Merle, le chat blanc, les phoques et l’ombre d’Aéd
Poèmes en vieil-irlandais et irlandais médiéval (du IXe au XIIe siècle). Versions par Jean-Yves Bériou (été 2008).
- Numéro 12, …
Couverture : André Bernard, collage
Sommaire : Alice Massénat, à Pierre Peuchmaurd ~ Pierre Peuchmaurd : Les Ruines du Chevreuil ; Le Monde ~ Martine Herbaud : Black mask, gravure* ~ Georges-Henri Morin : Une Présence féminine ; Sciure ~ Bruno Montpied : Encres, Rorschach Arbre de Noël, Champ de bataille ~ Joseph du Chesne : La Morocosmie (extraits) ~ Joël Gayraud : Averse et cresson ~ Emmanuel Boussuge : Technique mixte ~ La Maison de celle qui peint (Photos Geneviève Berg) ~ Stéphane Maignan : Aubrac ; Le Soleil du juste ~ Jacques Desbiens : Dessin mine ~ Florian Tomasini : Je suis né et mort dans le même lit (extrait) ~ Jan Gabriel : Collages sans titre ~ Louis-François Delisse : Lutter avec la mort, la longue et merveilleuse vie de Lucienne Bonfa (1907-2008) ~ Olivier Hervy : Notice ~ Emmanuel Boussuge : Photos, Varia ~ Bernard Sanschagrin : Graphite 1 ~ Bernard Sarrut : Éclair blanc sur vert sombre ~ Claire Mercier : Photo, Betteraves (2007) ~ Jean Durançon : Claire Mercier exagère ~ Philippe Lemaire : Collages, L’impératrice, Le Jeu sérieux, etc. ~ Miguel de Carvalho : Collages, Tempo incerto I à VII ~ Roberto San Geroteo : Ode aux miroirs, Ode à la solitude ~ Rik Lina : Caribe-night, Baron Samedi ~ Alain Le Saux : jubilants à enfreindre, écrivants à étreindre, (deux extraits) ~ Laurent Albarracin : Chants de ronde ~ Bernard Sanschagrin : Graphite 2 & 3 ~ Cécile Odartchenko : Ménine ~ Bernard Sanschagrin : Graphite 4 ~ Jean-Paul Martino : Que d’émiettements de rêves dans le casse-noisette, Un autre ~ Alain Joubert : Une page inédite de Louis-Ferdinand Céline ~ Jalons et notes, etc. Louis-François Delisse : Tombeau de Pierre Peuchmaurd
SUPPLÉMENTS
~ Une bibliographie de Pierre Peuchmaurd établie par lui-même, livres et plaquettes.
~ Alexandre Pierrepont : Lune à Lune (avec trois ombres du désert de Tassili).
~ Jean-Yves Bériou : Moi, l’iguane.
Georges-Henri Morin
Une Présence féminine
Une présence féminine m’éloigne de la ville du soir
L’ombre du meurtrier recouvre nos jouets
Sur l’échiquier des flambeurs pointent leurs fous
Coups d’aile nocturnes
La musique a repris
Les enfants bricolent les galets
Ces jeux sont leur destin
La musique a cessé
Sur la rive du lac les amants pressentent l’orage
●
L’enfant baille
Son canif est planté dans le banc
Chausse-trappe
Le diable bondit
À bon vent la pointe d’un sein
●
Les yeux gavés de sommeil
Reprendre appui
Mais la rambarde est plus gourde que la main
Ma grande amie
Les ramoneurs disent tout et son contraire
Et hausseront bien leurs épaules
Quand Pluie d’Argent
Les jettera à terre
●
Mon premier est un leurre
Mon second un rebelle
Mon troisième est imprévisible
Mon tout un rébus
Le chat cherche querelle à l’oreiller
Rondes et noires
Nos égarées
Chancelle la fumée
Le chat s’est réveillé
Les fourreaux ont des grâces d’écorce
Gueule de lion sur champ de serpentins
Quand la taupe y dépose son empreinte
Et ses griffes plantées dans le cœur des ballerines
●
Veine
Advienne
Douce blonde
Vainement
À l’aisselle creuse
Niche le grêlon Courte Paille
Et tes hanches
Comme l’aube toute en une
Me fourvoient à l’entrée des petites folies
●
Prendre la mouche
Y mettre la dernière touche
La discrète porte le fer au feu
La pointe du fleuret l’assouplit
La foi du charbonnier
Perpétue les duperies de l’enfer et du paradis
Chaque balle est tributaire de l’étreinte de sa proie
●
Nue elle ignore
La forme du corsage défait
Sa silhouette singulière
La confond
Son corps si rare
Me dérobe
●
Les doubles croches rompent
L’obstacle est tombé
Les nuits d’été
Ton reflet pour mot de passe
On oublie parfois tes promesses
La chanson parlait d’un incendie
Mais la page est tournée
À chat perché
Tanche qui s’offre
Les battements de tes mains
En écartent le la
●
La fronde feint les courants d’air
Sous les arcades
Tu sautes à la corde
Sans retenue
J’ai perdu la haute main
Tu fends l’empenne de la flèche
Une poignée d’éperons jetée sur un lit de couleuvres
Nous donnerait le roulis
C’est entendu
La bretelle de ta robe
Et dans ce seul élan
Le loup blanc genou à terre
(Lyon, 25 – 26 mai 2008)
Alain Le Saux
jubilants à enfreindre, écrivants à étreindre
(extraits)
VIII.
La nuit, alors, ne pouvait être que profusion de fruits cirés, ventres et eau jaillissante.
La nuit fut un visage, entre chats et chiens, à la respiration d’ange
et au cœur habité de mépris. Ce qui serait coutume ensuite ? Loi de l’attraction ?
Dégingandé sur ses longues jambes vigoureuses, il a des yeux de mer soupçonnée de gris-vert.
Les hommes de la loi, les maîtres nageurs, les chasseurs de marée,
les brigadiers volants, surveillent la joie au pied léger et portent haut leurs épaules ruisselantes.
Surfeurs en tenue de poix rutilante, du haut de leur crête glissant vertige.
Paysans de mer burinés un œil dans le soleil jaune beurre l’autre au work in progress de la vague.
Tête droite du plongeur avant de se dégreffer de la gravité.
De se lancer à l’étreinte de l’air et de se couler dans l’eau. Danseur-torpille.
Amants par inadvertance, soit ! Si tu le veux réciter ainsi. Mais en va pas feuler à l’ange détourné.
D’un saisissant désir noir. Comme s’il logeait de la mitraille sous sa peau.
Des yeux vides, tout à la mort, ouvrier en sueur. S’escrimant à aimer/tuer.
En pleurant-gémissant. Mais trahir quelle ombre ? Au juste ? Beau Sisyphe acharné à besogner à néant.
Que deviendra ce soldat, farfadet endormi à son volant ?
Une inscription tombale ? Ou ce à quoi il est destiné, formé : ordinaire fourgue de mort, sans un remords ?
Avec sourire et fadeur apprise. Gloire à l’anonyme qui ne porte pas
sa vague au-dehors ? Qui s’efface sans maudire ? Et se présente présentable,
aimable, passe-partout ? Sainteté banale du monstrueux accepté sans barguigner ? Le fusil sur la cuisse.
Le fusil serviable. Le fusil meilleur ami de l’homme ?
XVII
Histoire familiale
C’est un théâtre d’ombres, où l’on souffle, susurre, gémit, geint, crie. Poupées de bois verni, luisant, cramoisi et fauve, qui se contor-sionnent sans se toucher : une voix unique, deux mains les rassemblent, les agitent ; celles du manipulateur qui lève les yeux au ciel, d’où s’abîme, en pierre tombée, un aviateur. Du bout du cœur : Frère ! Et le silence tombe et recouvre l’assemblée des mannequins étalés. Il n’y a plus de lumière. Les pièces de bois inerte sont léchées de loin par les lueurs de l’incendie. Une fumée âcre, épaisse, balaie le petit théâtre de chambre. On entend lamenter, renifler, soupirer, et cela dure, et cela décroît. Puis chacune des figurines se relève et se comporte comme s’il n’était de rien, va et croise, vient et effleure l’autre. Les bras et les jambes sont à présent d’un noir laqué, uniforme, brillant. Et la lune prend place, effaçant le visage du marionnettiste, la mer brouille les sons de voix étouffés, murmures, chuchotis, tisse le thrène du las et de l’endeuillé. Détisse le motif du vif et du condamné. Entonne un chant qui, à plusieurs voix, dit le lendemain et l’oubli, l’encore et l’accroc, le persistant quoique, le malgré continuum.
Parfois de la nuit caillée te revient à la bouche. Tu te crispes. Sur ta mémoire. Qui manque à l’appel ? Quel absent courant d’une ombre vacillante à un nuage glissant, jouant à apparaître-disparaître, se jouant de sa présence à sourire et pleurer ? Quelle absente dont on imagine obscurément – par quelque songe de fond – qu’elle nous veille, encore ? Ni cri ni prière, ni élégie ni mystère à chipoter à la page.
Faire un harmonique de ce brouhaha amer, aujourd’hui. Un craquement de glacier quittant la banquise ? Pas une trompette de poussière, certes.
Mais un reflet, la main passante de ce reflet, que l’on suit, un thème ostinato.